Albugo candida est un oomycète responsable de la rouille blanche, une maladie qui affecte diverses cultures de la famille des Brassicacées (ex. : radis, navet, chou, moutarde, canola). Il s’agit d’un parasite obligatoire qui s’attaque principalement aux parties aériennes des plantes à tous les stades de croissance. Le nom latin Albugo candida signifie « blancheur éclatante », en référence aux pustules blanches typiques visibles sur les feuilles, tiges et autres parties de la plante qui peuvent être infectées. Les dommages causés par la maladie ont un impact significatif sur les plantes cultivées pour la commercialisation des feuilles (roquette, bok choy, choux chinois, moutarde mizuna, etc.). Chez les crucifères racines, la progression rapide des symptômes peut provoquer un arrêt de croissance au niveau de la racine tubéreuse (navet, radis) et aussi causer des dommages importants. Les pertes de rendement varient selon l'hôte, le moment de la plantation, le système de régie, la fertilisation et les conditions climatiques.
Au Québec, la maladie a été confirmée dans les cultures de navets (rabioles), de choux-fleurs et de caméline, mais elle menace également un large éventail de cultures cultivées ou sauvages appartenant aux Brassicacées, comme la moutarde, le canola, et certaines des mauvaises herbes courantes comme la bourse-à-pasteur (Capsella bursa-pastoris) et l’arabette des dames (Arabidopsis thaliana). Ces dernières représentent un réservoir potentiel de la maladie à proximité des champs.
Contrairement à ce que son nom commun laisse croire, la rouille blanche n’est pas une vraie rouille (elle n’appartient pas à l’ordre des Puccinales). D’ailleurs, elle n’a pas besoin d’hôtes alternes pour compléter son cycle; l’infection se déroule entièrement sur la même plante.
Le cycle de la maladie connaît un stade asexué qui génèrent les sporanges qui contribuent aux infections secondaires, et un stade sexué qui aboutit à la formation d’oospores nécessaires à la suivie hivernale.

Laboratoire d'expertise et de diagnostic en phytoprotection – MAPAQ
Le stade asexué correspond à la phase de multiplication assurée par les sporanges au courant de la saison. Les sporanges se regroupent en amas (sores) sur la face abaxiale (dessous) des feuilles. En s'allongeant en chaînette, les sporanges provoquent un gonflement de l’épiderme. À maturité, des pustules blanches apparaissent et finissent par se rompre, libérant une fine poudre blanche qui tache les doigts. Cette poudre contient les sporanges, lesquels sont ensuite dispersés par le vent, la pluie ou les insectes pour contaminer de nouveaux hôtes. Selon les conditions environnementales, le sporange peut germer de deux manières : par temps frais et très humide (humidité relative ≥ 97 %), il produit des zoospores flagellées, qui voyagent dans l’eau libre et peuvent infecter une nouvelle plante hôte en seulement 2 à 3 heures. Ces zoospores germent de façon optimale à des températures comprises entre 8 et 15 °C. En revanche, sous des conditions plus chaudes et sèches, le sporange peut germer directement sur la plante sans produire de zoospore.
Le stade sexué est le stade de survie ou de conservation. Lorsque le mycélium vieilli à l'intérieur de la plante hôte (au niveau du pétiole ou de la tige, en cas d'infection systémique), il produit des anthéridies (organe mâle) et des oogones (organe femelle) qui, une fois fertilisées, forment des oospores diploïdes non mobiles à parois épaisses. Ces oospores sont des structures de résistance qui peuvent survivre plusieurs années dans le sol ou les débris végétaux et résister à l'hiver. Chez le canola, il a été démontré que les résidus d’inflorescences hypertrophiées du canola pouvaient relâcher des oospores dans le sol sur une période de 3 à 4 ans. La durée de survie des oospores n’a pas été documentée au Québec, mais elle est estimée à une dizaine d’années.
Les symptômes de la rouille blanche peuvent se manifester sur les cotylédons, les pétioles, l'inflorescence, la tige, les gousses et les graines, autant sur les tissus végétatifs que reproducteurs. Les symptômes varient selon la partie de plantes infectées et le type d’infection.
Dans un premier temps, les infections localisées proviennent de la dissémination des sporanges et zoospores par voie aérienne (eau, air, insectes) :
Feuilles : pustules blanches ou jaune crème sur la face abaxiale (dessous) parfois accompagnées de taches vert-jaune et de boursouflures sur la face adaxiale (dessus).
Racines : Sur le radis, l’apparition de galles contenant des spores a été document, mais ce symptôme semble rare.
Les infections systémiques proviennent plutôt des semences infectées ou des bourgeons floraux :
Tiges, inflorescence : malformation des organes reproducteurs (croissance anormale, distorsion de l'inflorescence, stérilité des fleurs) entraînant, par exemple, chez le canola, le gonflement de l’inflorescence et l’adoption d’une forme en « tête de cerf ». Ces formes systémiques sont généralement plus graves et peuvent provoquer la mort de la plante.
Racines : Arrêt de la croissance de la racine tubéreuse.
Certaines plantes infectées par Albugo candida peuvent devenir sensibles au mildiou (Hyaloperonospora parasitica) bien qu’elles y soient normalement résistantes. En plus de cette interaction, ces deux oomycètes phytopathogènes ont un cycle épidémiologique et des conditions favorables similaires. En ce sens, il n’est pas rare d’observer les deux maladies simultanément. Mis à part cette situation, qui peut rendre le diagnostic visuel embêtant, les symptômes causés par la rouille blanche des crucifères (cloques blanches) sont plutôt faciles à distinguer.
Rappelons-nous qu’Albugo candida n’est pas un champignon, mais bien un oomycète. En ce sens, les produits phytosanitaires par exemple, ceux qui ciblent la synthèse de la chitine, auront peu ou n'auront pas d’effet pour réprimer la maladie. À ce jour, il n’y a pas de pesticide homologué pour traiter ou prévenir la rouille blanche au Canada (consulter SAgE pesticides pour obtenir l'information la plus récente). Les pratiques préventives sont donc à privilégier :
- Éliminer les mauvaises herbes appartenant à la famille des Brassicacées.
- Éviter l’irrigation par aspersion lorsque la température est inférieure à 20°C, car un feuillage mouillé, surtout en matinée, favorise le développement de la maladie.
- Détruire les résidus de cultures infectés dès que possible.
- Effectuer des rotations minimales de 4 ans en excluant toute autre crucifère de la rotation (ex. : engrais vert de moutarde)
- Pratiquer de longues rotations de culture pour les champs infectés.
- S’assurer d’un bon égouttement de l’eau dans le sol et améliorer le drainage au champ.
Au Québec, il n’y a aucune donnée concernant la présence de rouille blanche sur les mauvaises herbes crucifères, mais leur surveillance est recommandée, car elles pourraient être une source d’inoculum pour les cultures avoisinantes.
L’incidence de la rouille blanche, qui représentait une menace importante pour le canola (B. campestris ) cultivé en Saskatchewan dans les années 1970, a fortement diminué au fil des ans. Ce recul est principalement dû à l’introduction en 1981 du cultivar résistant Tobin résistant à la race 7, la race dominante dans cette zone de production. Cette résistance a été confirmée par des essais en champ et en conditions contrôlées (Petrie, 1995 ; Holtz et al., 2007). Son adoption constitue un cas exemplaire de lutte génétique efficace. Toutefois, considérant le caractère évolutif de la résistance à Albugo candida, phénomène bien documenté dans la littérature (Verma et Petrie, 1980 ; Meena et al., 2014), il est importance de suivre l’évolution des races du pathogène et de diversifier les sources de résistance.
Shradha Nirwan, Archana Kumari Sharma, Ravi Mani Tripathi, Aparna Maitra Pati, Neeraj Shrivastava. Resistance strategies for defense against Albugo candida causing white rust disease. Microbiological Research, Volume 270, 2023,127317, ISSN 0944-5013, https://doi.org/10.1016/j.micres.2023.127317.
Yield losses in Saskatchewan rapeseed/canola crops from basal stem cankers of blackleg (Leptoshpaeria maculans) in 1982, with notes on other diseases
G.A. Petrie. CPDS, vol 65 (2), Pages 35-46 (1985) : https://phytopath.ca/cpds-archive/volume-65/
Fiche technique RAP