Le mildiou, causé par Phytophthora infestans, est un parasite obligatoire susceptible de s'attaquer à toutes les parties de la plante. C’est une maladie extrêmement destructive de la pomme de terre. Avant l’utilisation de fongicides foliaires, le mildiou était la maladie fongique qui causait les plus grands dommages à cette culture. Il affecte également la tomate, le poivron, l’aubergine, le pétunia et des mauvaises herbes des solanacées (surtout les morelles (Solanum spp.)). La maladie évolue rapidement si les conditions sont humides et que la maladie n’est pas contrôlée. Les champs peuvent être détruits en quelques jours. Une fois établie, la lutte à Phytophthora est ardue, voire impossible. Les plants affectés sont distribués en foyer.
Différentes souches de mildiou ont fait leur apparition au cours des dernières décennies, obligeant la révision des produits fongiques disponibles pour les réprimer. Habituellement, le mildiou se reproduit de façon végétative par des sporanges et la reproduction sexuée n’a lieu que lorsque des individus des types A1 et A2 s’unissent. Actuellement, la souche US-23 (type sexuel A1) domine au Québec et au Canada. Elle est particulièrement agressive sur la tomate et un peu moins sur le feuillage de la pomme de terre, mais elle est plus agressive sur les tubercules, causant de la pourriture. La grande sensibilité de la tomate accroit les risques de dispersion de spores par les transplants et les plants de tomate cultivés au champ. L’absence simultanée des souches de type A1 et A2 au champ limite le développement du stade sexué (oogones) de la maladie. Ces oogones assureraient sa survie hivernale dans les sols en l’absence de tissu vivant de pomme de terre. Les oogones sont habituellement résistantes à la dessiccation, au froid et aux conditions adverses, assurant la pérennité de l’agent pathogène dans le sol.
Au Québec, Phytophthora infestans ne peut hiverner qu’à l’intérieur des pommes de terre vivantes. Il hiverne sous la forme de mycélium dans les tubercules infectés de pomme de terre de semence, les tas de déchets ou dans les repousses de pommes de terre qui hivernent dans le champ. Quand des plantons infectés sont utilisés, présence d'une pourriture avant l’émergence des plants (manque à la levée) ou les plants émergés sont infectés au niveau de la tige.
Au printemps, des sporanges sont formés à partir du mycélium lorsque les conditions sont humides durant 7 à 10 heures et que la température varie entre 15 et 20 °C. Les sporanges sont dispersés par le vent (sur de longues distances), l’eau (pluie, irrigation par aspersion, éclaboussure) et les équipements de ferme. Ils germent directement sur les tissus si la température varie entre 21 et 26 °C ou relâchent des zoospores biflagellées mobiles si la température est inférieure à 18 °C. Les zoospores se déplacent dans l’eau libre vers la surface des plants (feuille ou tubercule) où ils germent et pénètrent dans les tissus. Phytophthora infestans est capable de produire des millions de spores sur les plantes infectées durant toutes les phases de croissance. La reproduction sexuée par les oogones n’a pas été observée sous nos conditions. Les conditions de développement de la maladie sont un taux élevé d’humidité relative (> 90 %) ou une longue humidité en surface et des températures modérées entre 10 et 15 °C la nuit et 16 et 20 °C le jour. Phytophthora infestans est détruit par du temps sec prolongé et des températures avoisinant 30 °C. Le mildiou se développe sur les tissus 7 à 10 jours après l’infection.
Plantule : manque à la levée ou pourriture de la tige.
Feuille : au début, présence de taches humides, vert pâle à vert foncé, circulaires à irrégulières, à la face supérieure et inférieure. Les tissus deviennent brun foncé et secs et un halo vert pâle entoure les taches par temps sec. À la face inférieure, un mycélium blanc se développe à la marge des taches. Les taches ne sont pas restreintes par les nervures. Elles débutent souvent près du pétiole, à la marge ou à l’apex, là où la rosée séjourne plus longtemps. La feuille entière peut dépérir et pourrir.
Tige : présence de taches irrégulières, brun foncé à noires, débutant à la zone d’attache du pétiole des feuilles sur la tige, ou au bas des tiges lorsque des semences infectées ont été plantées ou à l’apex de la tige. Sous des conditions humides, présence de mycélium. Les taches prennent rapidement de l’expansion et peuvent couvrir presque toute la tige. Les tiges infectées sont fragiles, cassent facilement et peuvent mourir.
Tubercule : le périderme des tubercules apparait déprimé avec des zones brun rougeâtre à brunes près des bourgeons (yeux). Dans la chair, présence de zones marbrées rouille à texture granuleuse conférant un aspect de pourriture sèche. Absence de démarcation nette entre les tissus affectés et sains. La pourriture se développe rapidement et permet l’entrée d’agents pathogènes secondaires. Les tubercules infectés sont ceux localisés près de la surface du sol et les spores proviennent du lessivage par la pluie des feuilles ou des tiges infectées.
Plant : dépérissement partiel ou complet. Odeur vinaigrée perceptible.
Sur les feuilles, le mildiou peut être confondu avec la brûlure hâtive (alternariose) au début de la maladie (Alternaria solani – taches délimitées par les nervures), la pourriture blanche (Sclerotinia sclerotiorum - débute si des fleurs infectées tombent sur le limbe, présence d’un mycélium blanc sur les feuilles mortes. Le mildiou ne colonise pas les organes morts), la moisissure grise (Botrytis cinerea - duvet grisâtre) et des problèmes non parasitaires (eau persistante, dommages par les fertilisants, polluants de l’air, des stress de chaleur, etc.).
Sur la tige, le mildiou peut être confondu avec la pourriture blanche (Sclerotinia sclerotiorum - présence de sclérote sur et dans la tige, absence de zones noires sur la tige), la jambe noire (Pectobacterium atrosepticum – absence de mycélium, odeur de poisson causé par des bactéries secondaires), la rhizoctonie (Rhizoctonia solani – n’est pas noir comme pour le mildiou, les tissus sous l’épiderme ne sont pas endommagés) et la dartrose (Colletotrichum coccodes – lésion brune qui devient blanche, présence de microsclérotes).
Sur les tubercules, le mildiou peut être confondu avec la pourriture rose (Phytophthora erythroseptica – pourriture molle interne, mais rosée), la pourriture aqueuse (Pythium ultimum – lésions humides brunes à noires sur la peau, chair brune à noire) et le rosissement des yeux (désordre physiologique – rosissement des yeux et au talon).
Pour prévenir le mildiou de la pomme de terre, il faut éliminer les sources d’inoculum (tubercules infectés, piles de résidus de pomme de terre, les volontaires), se procurer des semences certifiées exemptes de maladie, contrôler les mauvaises herbes, particulièrement les morelles (Solanum spp.), appliquer des traitements fongiques préventifs, opter pour les cultivars les plus résistants, utiliser judicieusement l’irrigation par aspersion surtout en fin de saison, détruire les fanes infectées quelques semaines avant la récolte et ensuite, appliquer un traitement fongique sur ces fanes. Des modèles prévisionnels du développement de la maladie sont disponibles. Lors de l’entreposage, éliminer les tubercules malades. Les tubercules provenant de champs infectés ne peuvent servir pour la pomme de terre de semence.
Vous pensez être confronté à un cas de mildiou de la pomme de terre? Consultez la fiche réalisée par le MAPAQ pour savoir quoi faire en cas de doute : Le mildiou, une maladie à surveiller (gouv.qc.ca)
Pomme de terre, Alerte No 1 : Premier cas de mildiou de la pomme de terre (2024), Réseau d'avertissement phytosanitaire (RAP), Agri-Réseau
Lutte au mildiou de la pomme de terre : mieux connaître les fongicides homologués (Sébastien Martinez, agr. M. Sc., et Roger Reixach-Vilà, M. Sc., CIEL) : modes d’action et contexte d’utilisation optimal des fongicides homologués contre le mildiou dans la tomate et la pomme de terre
Richard C. & Boivin G. (1994). Mildiou de la pomme de terre. Dans Maladies et Ravageurs des Cultures Légumières au Canada. La Société Canadienne de Phytopathologie et la Société d'Entomologie du Canada, Canada. p. 259-260. (http://phytopath.ca/wp-content/uploads/2014/10/MRCLC/ch16-pomme-de-terre.pdf)
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Late Blight: Phytophthora infestans, Plant Disease Diagnostic Clinic, Cornell University
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